La famille Sherry est une vieille lignée de la petite bourgeoisie irlandaise. Fondée comme une branche mineure des barons de Louth, elle s’établit dans la Nouvelle-Angleterre dès le début du XVIIIème siècle, avec une forte culture traditionnelle et un grand intérêt pour les us et coutumes gaéliques. Cela a amené au fil des années, les fils et filles de la famille à se renseigner sur le sujet, mais également à prospérer en matière de patrimoine immobilier au travers de leurs recherches.

Dès la fin des années 1730, le premier Mage se vit former à cet art ancestral, mais également aux arcanes du monde surnaturel au cœur de la famille Sherry par celles qui s’étaient elles-mêmes établies dans cette mystérieuse et récente ville du Maine. Établie aux côtés du premier coven - étonnamment composée de nombreux membres de la gentry régionale - la famille prospéra encore pour près de cent années, au point de se retrouver très liée aux gouverneurs du Maine et aux maires d’Eagle Lake. Magiciens puissants et bien intégrés, ils furent parmi les plus contestataires, rattachés à leur origine et leur statut de supérieur. Ainsi peu à peu se concentrèrent autour d’eux les mécontents et les opportunistes, avides de discorde. Le Sanctum était né. Le premier coryphée ne fut cependant pas les Sherry mais bel et bien les descendants des barons de Lough, influents dans l’empire britannique et fort de leurs contacts parmi les peuples de la cité. Leurs cousins se tenaient à leurs côtés. Toujours prêts à veiller et conseiller.

Née sur les hauteurs d’Eagle Lake, Victoria vécut l'enfance typique d'une Américaine issue de la classe moyenne. Ces parents étaient respectivement assistante administrative pour sa mère et psychologue pour son père. Enfant des années quatre-vingt-dix, elle connut l'émerveillement de la pop culture américaine de cette époque. Issue d'une famille moderne, démocrate et vaguement portée sur la religion, la jeune fille a vécu une petite enfance et enfance heureuse et simple. Vive d'esprit et impulsive, elle a connu dès ses premières classes de grande difficulté d'adaptation et surtout de concentration. Facilement distraire, voir oublieuse, Victoria eu la chance d'être rapidement diagnostiquée comme hyperactive à une époque où la maladie était mal connue.

Ce fut pour soigner cette malade que son père, seul mage restant des Sherry aux côtés de son propre père Martin, essaya un rituel. Bien que sa fille ne soit pas sensible à l’Art, il était persuadé de pouvoir ouvrir chez Victoria des lignes de pouvoir et ainsi influencer son esprit. Las, l’épreuve fut un échec cuisant. Tout du moins en ce qui concernait son trouble. Au contraire, de par son ouverture à la magie, ce fut un succès flamboyant pour la famille. Sensible à la musique de la magie, Victoria fut confiée à son grand-père pour sa formation ésotérique au sein du Sanctum. Très proche de ses membres, elle devint rapidement une membre active parmi les plus juniors.
Poussée à la fois par son père - de nombreuses séances de psychothérapie cognitives - et sa mère - une stricte organisatrice - Victoria fut toujours stimulée aussi bien par ses parents que son jeune frère, Mark. Ce handicap lui donna une grande combativité et une dualité entre son estime de soi et un manque de confiance inquiétant. Bonne élève et volontaire, Victoria réussit, grâce à ses résultats et son titre de capitaine de l'équipe de squash de son lycée, à obtenir une bourse pour étudier à la prestigieuse université de Columbia à New York. En parallèle, elle devint un mage compétent.

Intégrant la School of General Studies, Victoria passa les quatre premières années de ses études à suivre un cursus assez général. Elle choisit pour majeure les sciences politiques, associées au business management et la musique en mineure, point clé de sa compréhension de la magie, qu’elle devait désormais cacher difficilement tout comme l’existence d’Eagle Lake. Cette dernière activité était depuis de nombreuses années un moyen de défouler son impulsivité et d'apprentissage à se concentrer. Si la première année fut synonyme de débauche, de soirées et d'amourettes à tout va, Victoria fut bien vite rattrapée par la fureur parentale au vu de ses résultats médiocres. Blessée, mais surtout honteuse, Victoria donna toute son énergie - et quelques hectolitres de café - à réussir à passer son bachelor.

À peine celui-ci empoché, son père lui demanda de revenir à Eagle Lake comme tout bon citoyen. Assoiffée de justice et d’ordre, changée par les idéaux de ses amis républicains, Victoria s’engagea presque aussitôt dans les forces de l’ordre de la ville pour faire respecter la loi pour préserver la paix. Membre influente aux côtés de son père, elle continua d’assouvir sa soif de savoir pour mieux contrôler ses pouvoirs, refusant de se spécialiser et touchant à tout. Assez ouverte d’esprit, elle était pour l’ouverture du Sanctum vers d’autres factions jusqu’au drame.

Le fils du coryphée fut pris à parti lors d’une bagarre entre démons et un loup-garou. Le ventre lacéré par les griffes des deux créatures ; il s’avéra rapidement qu’il n’était plus capable de cicatriser empoisonné par le sang du démon mis en charpie par la bête sauvage. Victoria et son père tentèrent tout pour le sauver pendant plusieurs jours et nuits, employant les plantes, les pierres et tout moyen de le soigner. Ils en vinrent même à le cautériser, quitte à déformer son corps et le faire souffrir vainement. Cependant, le poison s’était emparé des veines du jeune homme qui mourut. Effondrée par la mort soudaine du jeune homme, Victoria dormit pendant près de vingt heures d’affilée avant d’accompagner son père annoncer la triste nouvelle au coryphée. Ce dernier, en profond deuil, sut néanmoins les remercier en nommant le père de Victoria comme son héritier pour remplacer feu son fils unique.

Les années qui suivirent furent ponctuées par un nombre infernal d'affaires au sein du bureau du shériff. Trafics de plantes dangereuses à contenir, règlement de comptes entre peuples à arbitrer en passant par enquêter sur les crédits pour les pompiers volés par les ambulanciers, Victoria vit le bon et le mauvais de l'administration locale. Plus amère, cynique et solitaire, Victoria vit en moins d'un an mourir ses deux parents, le premier d'un cancer fulgurant, l'autre de chagrin. Si son frère, devenu ingénieur chimiste, restait son plus proche soutien, elle n’en devint pas moins l’héritière du coryphée à son tour tant l’homme souhaitait tenir sa promesse.

Heurtée par cette double disparition soudaine à l'aube de ses trente ans, elle décida qu'était venu le temps de prendre du recul. Elle décida de s’investir plus encore dans les affaires du Sanctum pour un jour en prendre le contrôle, mais également la politique de la ville. Aussi compétente fut Ms Crowley, elle n’était pas immortelle et rien ne pouvait l’empêchait de briguer le poste. Bien que plus dure envers les autres peuples, méfiante voir haineuse de par ses altercations au fils des années, Victoria vit son premier souhait se réaliser bien trop vite. A la suite du décès du coryphée, usé par la magie et le deuil, elle se retrouva propulsée à la tête du Sanctum. Sans réelle expérience et légitimité après la mainmise bicentenaire des Lough sur le coven, elle ne demandait qu’à faire ses preuves.