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LUCI LANDRY – don't feat the reaper
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Lucius Landry
Lucius Landry
Messages postés : 36
Date d'inscription : 02/02/2024
Dévoiler le secret

Carte d'identité
Race: Witchcraft
Clan: Sanctum de Drustvar
On RP ? : Oui mais il va falloir être patient.
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LUCI LANDRY – don't feat the reaper
  • LANDRY
  • Lucius
  • 28 ans
  • H cis
  • Américain
  • Cancer
  • Musicien / Thanatopracteur au chômage
  • Sorcier (Bokor vaudou), indépendant (for now)
▬ ft. Lakeith Stanfield

Carnation : noir
Taille : 1m83
Corpulence : svelte
Cheveux : bruns
Yeux : marrons
Signe(s) distinctif(s) : nombreux tatouages
Caractère

Ça fait à peine quelques semaines que Luci est à Eagle Lake. Sa vie, il l’a passée à la Nouvelle Orléans. Et en ce qui le concerne, cette origine est un peu comme un signe astro : ça en dit long sur lui. Solaire, chaleureux, on l’imagine instantanément en soirée à badiner avec les touristes, à rire avec les habitués avec qui il a tissé des liens au fil de années, à évoluer parmi la foule remplie de ses amis parce qu’il connaît tout le monde. Grandement sociable, il a le contact facile, avec une attention pour mettre à l’aise qui le pousse à tempérer ce côté taquin qui lui vient naturellement. En gros, si vous lui plaisez, il vous fera ressentir qu’il est votre meilleur ami. Et c’est authentique : il a véritablement le goût des rencontres, ou un intérêt pour ce qui en découle, pour les histoires et les personnalités, comme s’il collectionnait les gens comme des cartes panini. C’est presque un peu insistant parfois, et les plus méfiants pourront imaginer des intentions malveillantes derrière une curiosité telle qui ne semble pas toujours justifiée. Mais soyez sans crainte : la seule conséquence à laquelle vous pouvez vous attendre quant à l’attention de Luci, c’est la possible déception de constater qu’il l’accorde à tout le monde.

Véritable papillon de nuit, non seulement il volette d’une rencontre à l’autre, mais aussi d’événement en événement. Toujours occupé entre les soirées, les concerts, les rendez-vous avez machin, les dîners avec bidule, les séances de jam, les journées d’inspiration à oublier le reste du monde en s’enfermant seul chez lui avec son saxophone, il tend à ne pas être systématiquement très fiable. Sa petite sœur Marie devait être la seule pour qui il laissait tout tomber lorsque c’était nécessaire, pour les autres, c’est plus compliqué. Il en a conscience, et s’excusera toujours platement d’un oubli, d’avoir dormi trop tard, ou perdu son portable dans le bordel de son appartement. On lui pardonne, généralement : c’est Luci, il est comme ça. Mais ça lui valide ce trait parfois irritant, comme quoi pour lui, rien n’est jamais vraiment grave. Prompt à la dédramatisation, il ne s’en fait pas, il y a toujours un bon versant à tout, une raison d’être optimiste. C’est certainement plus simple lorsque, comme lui, on a cette tendance à lâcher tout ce qui semble devenir compliqué. Car oui, même s’il faut le côtoyer de suffisamment près pour s’en rendre compte… c’est l’une de ses tares : il lâche, ignore, se détache, passe à autre chose. Pas la peine de s’encombrer de problèmes, selon lui, alors quand une relation pose problème, ou quand une situation s’emmêle, bref, quand quelque chose devient à même de lui causer de la frustration… il laisse tomber, c’est aussi simple que ça. Il n’en pense pas grand chose, pour lui c’est simplement logique, même si on pourrait naturellement argumenter qu’un tel mécanisme empêche le développement de relations profondes.

Mais s’il acceptait une telle critique, pas certain qu’il changerait son mode d’action pour autant : ce que Lucius cherche, ce vers quoi il tend avant tout, c’est le plaisir. Il le trouve en étant heureux, entouré, actif. Il aime les bonnes et belles choses, les beaux vêtements, les beaux objets, les bons plats, la bonne musique, les belles personnes. Consommateur intenable, ça ne va pas vraiment avec les chiffres de la banque, bien qu’en plus de la musique qui ne rapporte pas grand chose, il était efficace dans une des maisons mortuaires de la Nouvelle Orléans en tant que thanatopracteur. Paradoxal d’imaginer cette pile d’hédonisme enfermée dans une pièce avec la mort, mais ça n’est pas comme ça qu’il le voit : la mort, c’est juste le passage à l’autre état, et ça il le tient autant de lui-même que des Guédés, ces entités vaudous dont il ressent la franche camaraderie depuis l’enfance. Caner c’est festif, c’est l’occasion de lever son verre et d’allumer un cigarillo, et ses collègues conseillers funéraires étaient dans la même vibe. On organisait des enterrements avec des danseurs et des groupes de jazz, des enterrements de la Louisiane, quoi ! Ça lui manque, mais il doute que dans la région, il trouve une maison mortuaire qui emploie un thanatopracteur avec des idées comme les siennes. Bosser sur un mort en se dandinant, ça n’est pas au goût de tout le monde. Il n’a pas encore exploré la question, le souci c’est qu’il n’est pas un modèle face aux figures d’autorité dont la vision diffère de la sienne, et ces cas font partie des rares à pouvoir le pousser à aller au conflit – néanmoins sans jamais beaucoup sortir de la provocation maîtrisée ou du passif-agressif. C’est comme ça qu’il se comportait avec sa grand-mère, c’est ce qu’il reproduit dans les relations problématiques similaires. Très peu tolérant à l’injustice, et très têtu, ça ne lui ressemble pas de prendre sur lui même dans le milieu professionnel. Grand gamin à se braquer, il se fait un devoir de rester fidèle à lui-même et à ses principes, et peut presque en venir à un certain mépris envers ceux qui ne font pas de même. Pourtant très ouvert et tolérant, il se trouve incapable de comprendre les communautarismes excessifs, et la loyauté systématique. Pour cette raison il reste encore réservé, et dubitatif, face aux nombreux clans d’Eagle Lake sur lesquels il en apprend un peu plus tous les jours. Après s’être construit sur le rejet de sa famille et communauté vaudou, il voit d’un œil sceptique les covens de sorciers et sorcières qui lui apprendraient pourtant beaucoup et le feraient grandir. Il est fasciné par les fantômes, zombies et autres Undeads qui semblent avoir tant à raconter, et par les démons fêtards et débridés. Mais malgré sa curiosité et ses interrogations pour tout ce et tous ceux qu’il y a à découvrir dans cette ville sanctuaire, il peut difficilement contrôler sa retenue : il est là pour une mission, et pas pour se faire des potes. Trouver un moyen de récupérer l’âme de sa sœur, au plus vite, et se casser retrouver le soleil du sud. Voyons combien de temps tiendra cette résolution avant de le rendre absolument misérable.

Histoire

Ma mère Alba et mon père Jacob n’étaient pas mariés quand je suis né, au grand damn de ma grand-mère Margaret. Elle qui avait déjà décidé de son opinion sur le jeune dépravé dont s’était amourachée sa fille, la nouvelle de cette grossesse illégitime avait été le point de non-retour, le pied au-delà de la limite des convenances dictées par les traditions. Grande prêtresse vaudou appelée Mambo de la Nouvelle Orléans, Margaret n’était pas du genre à faire fi de ce qu’on a appris à des générations de sa famille : ce sont ces lois morales qui nous raccordent à nos racines, nourrissent notre ashé, et honorent les Lwas, qui nous gratifient en retour de leurs faveurs. Alors, un bébé né en-dehors de l’union ? Uh-uh, c’était déjà très mal parti pour lui. Surtout quand il a le malheur d’avoir hérité de chaque trait de son incompétent de père.

Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de lui. Mais je n’en ai pas besoin : j’en ai un portrait détaillé, à travers tous les défauts dont m’a affublé Mamie Margeret que selon elle, je tenais de lui. J’avais donc apparemment hérité de sa paresse, de son flegme provocateur, de son attirance pour les plaisirs et de sa répugnance pour les efforts et le travail. J’imagine que la plupart des gens ne verraient pas tout cela comme quoique ce soit de spécialement vicieux chez un enfant de trois, cinq, puis huit ans. Mais la grande-prêtresse avait un avis aussi solide que ses taloches ; aussi personne n’osa tenter de la convaincre du contraire, moi y compris. Ma mère, au milieu de ses dépressions chroniques, n’y pouvait pas grand chose, mon père, eh bien… je pense qu’on a déjà fait le tour de ce qui explique son impuissance. Quant au reste de la famille, les oncles et tantes, et la communauté de fidèles qui suivaient la Mambo et servaient les Lwas à travers sa parole, ils répliquèrent son opinion avec une neutralité désintéressée. Du coup, les premières années de ma vie ne furent pas des mieux encadrées.

Mais finalement, je ne tiens rigueur à personne de tout ça. Je n’ai aucun souvenir d’une enfance morne, ou malheureuse, ou d’efforts à tâcher d’obtenir de l’attention, ou inverser les avis. Non, j’ai au contraire allègrement profité de ce qu’occasionnait leur certitude qu’aucune responsabilité ne devrait m’incomber : la liberté. Tout petit déjà, je quittais la maison familiale pour aller vagabonder dans les rues de la Nouvelle Orléans, attiré par les sons des fêtes et la musique des salles de concert. Avec le recul, j’ai une putain de chance de n’être jamais tombé sur un malade mental qui n’a aucune bonne intention envers les enfants perdus. Probablement que les Guédés, les Barons et Maman Brigitte, se trouvaient déjà derrière mon épaule comme des bonnes fées rieuses, vulgaires et alcooliques, à me protéger, et me guider vers les bons : ceux qui avaient des histoires, des instruments de musique, qui racontaient des choses, riaient, et étrangement, étaient ravis de voir débarquer un gamin sorti de nulle part prêt à boire leurs paroles et leurs musiques comme s’il s’était agi du seul public dont ils avaient besoin – et le moins lucratif imaginable. En échappant à la surveillance inexistante de mes aînés, j’ai très tôt investi la passion qui m’a animé tout le reste de ma vie : rencontrer des gens. J’en ai croisé des quantités, de tous âges, sexes et origines, j’ai joué avec des gamins dans la rue des après-midi entières avant de gagner le bar ou la tenancière me hissait sur le comptoir pour que je puisse admirer le groupe de jazz dont les silhouettes se découpaient entre les couches de lumière tamisée. Je crois qu’on savait qui j’étais, le petit-fils de la Mambo Margaret Landry, le gamin de sa tarée de fille et chiffe molle de père. Sacrée réputation, du moins ça aurait pu l’être, si eux tous en avaient eu quelque chose à foutre. Contrairement à Margaret, ils ne partaient pas du principe qu’on peut décider de premier abord qu’un enfant est détestable. C’est eux qui commencèrent à m’appeler Luci : Lucius, c’est un prénom de vieillard sur le déclin. “Et toi, t’as toute une vie devant toi, et tu vas pas la passer à faire le vieux, hein gamin !”

C’est comme ça que j’ai grandi. C’est cette vie qui m’a bercé, éduqué, avec en arrière-plan les cours basiques de l’école auxquels ma grand-mère veillait de loin que j’assiste. Mais sa magie, le vaudou, je ne l’ai pas appris. Elle avait le don, vous voyez : l’ashé riche, puissante, qui lui permet d’être respectée par les Lwas qu’elle sert lorsqu’elle fait appel à eux, et d’utiliser ce qu’ils mettent à sa disposition, que ce soit les wangas, les objets magiques, ou le pouvoir pur et simple. Nous, les Landry, n’étions pas la seule communauté vaudou de la Nouvelle Orléans. Et forcément, à attirer les adeptes, à accéder à leurs souhaits et à fructifier la prospérité de la famille, on entre parfois dans des conflits d’intérêts entre communautés. Alors le pouvoir n’est pas simplement là pour faire joli. Pour cette raison, Margaret aurait voulu transmettre son héritage à sa fille, plus que lui enseigner les préceptes, lui donner les clés d’accomplir ce qu’elle-même accomplissait, qu’elle puisse devenir Mambo elle aussi. Mais Alba n’a jamais eu les épaules. La pauvre se laissait submerger par la simple désapprobation de sa mère, jamais elle n’aurait pu s’adresser aux Lwas en faveur de la communauté. Quant au fils qu’elle a mis au monde… on a déjà abordé ce point.

De fait, Margaret ne m’a jamais rien appris de plus que ce qui a été enseigné aux gamins de la communauté. Elle ne m’a jamais appris à tracer les Vévés pour invoquer les Lwas, à utiliser les objets magiques appelés Wangas de la famille, à prononcer et danser les rituels. Pour quoi faire ? Je n’aurais jamais eu la rigueur nécessaire. Moi aussi j’aurais ployé en m’adressant aux Radas, la famille de Lwas que nous servions. J’aurais fait le quatre-heure de Papa Legba, et la risée de tous. Jamais je n’aurais pu devenir Hougan, l'équivalent masculin de la Mambo. Et ça m’allait très bien : je n’y aspirais pas. Pas le moins du monde. Je voulais qu’on me foute la paix, et je me serais probablement complètement détaché de la famille, s’il n’y avait pas eu Marie.

J’avais 7 ans quand elle est née. À sa conception à elle, nos parents étaient mariés, béni soit le Créateur ! Sauf qu’un mariage ne fait pas bon mélange avec un homme que la contrainte rend fou comme Jacob. J’apprécie l’ironie, alors je ne peux que m’amuser du fait que c’est l’insistance constante de Margaret pour sécuriser l’union de sa fille à son homme qui, finalement, l’a fait fuir. Ça, c’est la blague qui me permet de blâmer ma grand-mère. Mais il est vrai que ça serait arrivé, à un moment ou à un autre. Mon père devait bien me ressembler en ce qui est de supporter le bullshit.

Mais pour la famille, peu importait finalement que mon père ait quitté la ville du jour au lendemain, et que tout ce qui restait pour maintenir ma mère debout se soit volatilisé : elle donna naissance à une fille, une petite fille, légitime, elle ! Une petite Marie, qui pourrait enfin rattraper les erreurs de celle et celui nés avant elle – c’est ce que tous disaient le soir de la naissance. Une gamine prometteuse, c’était certain, qui pourrait récupérer le flambeau. Qui s’était faite abandonner par son père, qui se ferait rapidement rejeter par sa mère, mais qui finirait par devenir une grande Mambo. Super, non ? Moi, je crois que c’est l’histoire la plus triste que j’avais jamais entendue. Et c’était celle d’une toute petite chose, née il y a quelques heures. Alors quand j’ai posé les yeux sur elle pour la première fois, sur ma petite sœur censée rattraper les erreurs de ma naissance, j’ai été submergé d’un amour que je n’avais jamais ressenti pour rien ni personne. Cet amour qui rendrait la moindre blessure qui lui serait faite, la moindre injustice, le moindre tort, absolument insupportable. Je ne laisserai rien lui arriver, c’était certain.

Je grandis, avec deux univers : d’un côté se fructifia celui de la ville, avec mes amis, la fête, puis la musique, la danse, les vêtements, les livres et les soirées… et de l’autre restait, constante et prioritaire, Marie. Évidemment, impossible d’empêcher Mamie d’avoir le grappin sur elle en faisant peser sur elle beaucoup trop de choses… mais au moins elle la traitait comme le trésor qu’elle était. Peut-être avait-elle finalement perçu les erreurs commises sur ma mère puis sur moi ? En tout cas j’étais heureux qu’elle reçoive ce traitement, qu’elle soit dorlotée et aimée. Surtout parce qu’à tout ça s’ajoutaient des attentes qu’elle percevait très bien, trop bien probablement. Elle prenait très à cœur sa mission, son apprentissage, et oui, elle avait certainement énormément de potentiel. Mais ça m’effrayait pour elle. Alors quand on était ensemble, naturellement, j’incarnais le strict inverse : je m’en battais les couilles de l’avenir de la communauté et de son potentiel ! Ce que je voulais, c’était la faire rire. Et j’y arrivais vraiment bien. À répétition, je la kidnappais pour passer du temps avec elle. Ensemble on sillonnait la ville, je l’emmenais dans mes endroits préférés, même quand elle était toute petite. Je la convertissais à toutes mes passions, lui faisais rencontrer mes personnes préférées, m’assurais que tous l’aiment autant que moi. Et je faisais en sorte de la ramener avant que son absence ait pu poser le moindre problème, avant que Margaret ait des raisons d’interdire ce genre d’événement, et de les empêcher d’arriver. Mais évidemment que je tirais sur sa corde. Et si je n’en avais absolument rien à faire, il n’en allait pas de même pour Marie : pour elle, être exemplaire était impératif.

Malgré tout, c’est ainsi que la vie s’installa. Nous devenions adultes tous les deux. Elle s’attachait à la communauté, à son devoir envers elle, développait les aptitudes qui feraient d’elle une grande Mambo, passait tout son temps avec notre grand-mère qui lui accordait tout le sien. Pendant ce temps, cette dernière m’oubliait totalement, et ainsi je ne souffris d’aucun obstacle pour mettre en place ma vie. J’ai appris le saxophone, et commencé à performer avec des amis vers mes 14 ans. Aussi amoureux du soleil que j’étais, je me suis jeté à corps perdu dans le monde de la nuit ; ça commença par les soirées de jazz feutrées et contemplatives, pour évoluer vers celles lumineuses, dansantes, dans la sueur et les stupéfiants, portés par les sons électros qui m’ont poussé moi-même à la prod, puis à mixer en live. Et je continuais à faire des rencontres, à m’abreuver des autres, toujours par leurs histoires, et peu à peu par le contact, la proximité, les corps. Mes premières relations se placent ici, des gens avec qui on partagea rien qu’une nuit, d’autres plus de temps, d’autres qui devinrent des amis sur la durée. C’est à cette époque que j’ai rencontré Gédéon, d’une dizaine d’années mon aîné, celui qui allait devenir mon mentor dans les métiers funéraires, et, paradoxalement, dans tout ce que Margaret ne m’avait pas jugé digne d’apprendre. Gédéon, il était conseiller à la maison mortuaire de la rue parallèle au bar où on s’est rencontrés, et il passait sa vie entre les salles de réceptions funéraires, les cimetières et les rave party. Il avait toujours, dans un coin de son regard, la silhouette des Lwas qui accompagnaient les âmes jusqu’à leur ultime monde : la famille des Guédés, ceux qui veillent sur la mort. C’est lui qui m’a parlé d’eux, et grâce à qui j’ai saisi ce que l’enseignement de ma grand-mère m’aurait permis de comprendre, si elle me l’avait prodigué. C’est grâce à lui que je les ai finalement reconnus.

J’ai toujours senti leur présence dans un coin de mon esprit, comme l’odeur riche et suave d’un rhum épicé, ou la voix grave, profonde et rassurante d’un barman en arrière-plan d’une soirée musicale. Jamais je n’aurais su le définir à l’époque, après-tout j’avais enregistré être un bon-à-rien qui jamais n’aurait le moindre contact direct avec les Invisibles. Pourtant maintenant, je sais de quoi il s’agissait quand une étrange vague de contentement et d’approbation caressait un bord reculé de mon esprit pendant les soirées. Sans encore le conscientiser, c’est à eux que je dédiais les verres, les histoires, ou la musique. Car eux aussi, ils aimaient la fête. Et maintenant que je les savais présents, je pouvais les percevoir pour de vrai, distinguer la fumée de leurs cigares, le chapeau de Baron Samedi ou les reflets roux des cheveux de Maman Brigitte au milieu des lumières mouvantes. Mamie Margaret nous avait toujours poussés à concevoir les Lwas avec déférence, presque crainte, elle nous faisait comprendre la force d’esprit qu’elle mettait en œuvre pour s’adresser à eux lors de ses rituels. Moi, je les honorais dans les goûts qu’on partageait. J’ai commencé à tracer leurs Vévés pour les inviter aux soirées où je mixais et jouais du sax, en accueillant leur présence comme celle d’amis, dont je sentais la compagnie auprès de moi.

Je la sentais aussi quand je commençai mon apprentissage à la maison mortuaire grâce à Gédéon, et entamai ma formation en tant que thanato. C’est à l’écoute plus ou moins consciente des Guédés que des maisons mortuaires comme la nôtre accompagnaient les familles dans ces enterrements typiques de la Nouvelle Orléans : les deuils festifs, dans la musique et la danse, les rires et l’alcool. De plus en plus, je voyais les Guédés s’inviter dans mon champ de vision et s’adresser à moi le temps d’une courte blague, d’une anecdote sur le mort que j’embaumais, ou d’un simple rire nasillard. Ils me kiffaient, je le sais. Avec la musique que j’écrivais, les concerts que je donnais et les soirées que j’animais, je performais mes propres rituels, dont ils étaient particulièrement friands. Je le sentais dans la galvanisation et montée en puissance de ces nuits-là, tout le public le sentait, aussi, même en réalisant encore moins que moi qu’ils assistaient à une cérémonie vaudou, et qu’après avoir donné de leur fièvre leurs maux étaient guéris, leur chance garantie pour quelques jours, voire même leurs souhaits accordés. Sans même le savoir, et personne pour le nommer, j’étais devenu Hougan. Marie est la seule a s’en être rendu compte. Mais elle ne m’en a pas parlé avant des années.

Tout était parfait, simple, fluide. Ma vie était pleine, satisfaisante, et rien ne me faisait regretter qu’elle ne soit pas encombrée des problématiques parentales. Je voyais ma mère de temps en temps, sans aimer particulièrement la piqûre de rappel de son abandon involontaire. Ma grand-mère m’ignorait avec froideur chaque fois que nous nous croisions, ce qui m’amusait particulièrement en me nourrissant l’envie de la piquer de quelques petites pointes d’impertinence. Et je lui volais Marie dès que je pouvais, dès qu’elle le voulait, aussi, puisque ça lui tenait très à cœur de rester concentrée autant dans son éducation magique que dans ses études. La pression déguisée d’amour que Margaret faisait peser sur elle était tangible. J’avais de plus en plus de mal à ne pas mettre en péril le status quo en entrant en conflit ouvert avec le reste de la famille, rien que pour pouvoir libérer ma petite sœur de ses responsabilités une bonne fois pour toute. Mais elle, la première, ne le voulait pas. Elle me calmait dans mon sentiment de mission et de sauveur, m’engueulait presque, parfois. Et je voulais que les moments que nous passions ensemble ne soient qu’agréables. Alors je laissais couler. Je m’en mords les doigts, maintenant. Putain, ça me tient réveillé la nuit.

Elle était forte Marie, c’est clair. Mais elle voulait l’être encore plus. Il fallait donner raison à tous les espoirs de la famille. Sa cérémonie d’initiation a été super tôt : Mambo dès ses 13 ans, elle était la plus jeune depuis des générations, et personne n’eût à le remettre en question vu les miracles qu’elle tira des Lwas, des miracles de fécondité, de richesse, de guérison. J’étais fier d’elle, bien sûr que je l’étais. Elle avait sans le moindre doute les Radas, la famille de Lwas que servait Margaret, derrière elle. Mais j’étais le seul à le voir, qu’elle tirait sur la corde. Que l’énergie qu’elle employait lors des rituels, elle allait en manquer. J’aurais dû le lui dire, mais j’ai essayé une fois de trop, et c’est elle qui a eu des choses bien différentes à me répondre, sur des sujets qu’elle avait entretenus intérieurement depuis des années, sur ce qu’elle avait constaté à l’une de mes soirées. Apparemment, l’énergie des Lwas y était tangible, et si des profanes pouvaient la mettre sur le compte de la fièvre et des stupéfiants, elle ne s’y trompait pas. Pour elle, je performais des cérémonies vaudou déguisées, et je tentai pendant des heures de lui faire dire ce qu’elle entendait par là, et plus encore, ce qu’elle en pensait. Parce qu’il me semblait évident que ce qu’elle taisait, c’était une désapprobation mal cachée. Et peut-être plus encore, du moins c’est ce que je pense maintenant en contemplant ce qui s’est passé par la suite.

Dans les jours qui suivirent, Marie voulut aller plus loin. S’adresser à d’autres Lwas, plus forts, mais plus durs. Trop durs pour elle. Je n’étais pas là au rituel où elle a tracé leurs Vévés pour les appeler, mais j’ai demandé à ce qu’on me le raconte des dizaines de fois pour être sûr de comprendre – en vain. Tout ce qui est clair, c’est qu’en s’adressant à eux, la transe a duré, est devenue intense, violente. Et elle s’est effondrée. Pas morte, non, pas même inconsciente. Mais… vide.

Dans le vaudou, on a un nom pour parler de l’intelligence humaine, ou de l’âme. On appelle ça le ti-bon-anj, et c’est ce dont les Bokors, ceux qui font de la magie noire, dépouillent un individu pour en faire un zombie. C’est ce qu’on peut marchander, aussi. C’est évident pour moi que Marie n’a jamais voulu vendre son âme, que ça équivalait à un suicide pur et simple, et que si elle lui avait été prise, c’était le fruit d’un marché malhonnête. C’est ce que je me suis évertué à dire à Margaret… du moins je crois.

Je n’en ai pas beaucoup de souvenirs. En fait, dès le moment où on m’a appelé, et j’ai remis les pieds dans la maison et suis tombé sur une Marie vide, capable de respirer, de se nourrir, mais pas de parler, ou de reconnaître qui que ce soit, je suis entré dans une fureur démente, jamais ressentie avant, jamais approchée seulement. Toute la frustration enterrée de ma vie dont je n’avais pas même conscience a trouvé la faille pour sortir et s’attaquer à Margaret dans un torrent de haine glaciale, on s’est engueulé avec une violence rare. Je l’ai invectivée de trouver une solution pour ramener Marie : elle faisait partie de sa famille, de sa communauté, elle était sous sa protection. Elle était sa petite fille, son élève, elle l’aimait bordel ! C’était à elle de réparer les erreurs qu’elle pouvait commettre, d’utiliser son expérience et sa puissance pour revenir en arrière, négocier avec les Lwas, et récupérer son âme. Et j’ignore si c’est parce que c’est moi qui demandais, ou si la bonne femme était tout bonnement irrécupérable d’aigreur… elle voulait pas. Ses arguments s’emmêlent dans ma mémoire, des choses qui sont ainsi, de la volonté des Lwas, de la force de Marie… et je ne sais pas comment décrire ce qui s’est passé ensuite. D’autres choses sont montées que simplement le ton. Je voulais la forcer à m’aider, à aider ma sœur, à accomplir le devoir qui aurait dû être au-dessus de celui dont elle s’est investie à la demande de personne : celui de prendre soin des siens. Ou peut-être que je voulais me venger, et lui faire subir le même sort que ma sœur. J’ai ressenti que ça serait possible, je m’en souviens, que j’en étais capable et que d’une seconde à l’autre, j’aurais pu prétendre au nom de Bokor. C’est même le souvenir le plus net que j’ai de cet épisode. Je suis persuadé d’avoir senti la puissance qui me permettrait de la déposséder de sa conscience, que j’offrirais aux Guédés en échange de leur aide, qu’ils étaient prêts à recevoir, approbateurs à mes côtés. Je ne sais pas si j’ai été trop faible, ou si j’ai douté. Mais Margaret aussi a fait appel aux Lwas qui la soutenaient.

Quand j’ai récupéré mes esprits le lendemain, j’étais malade comme un chien : la tête me tournait, mon estomac se retournait au moindre effort et je vomissais de la bile et du sang. C’était évident : j’allais crever comme un chien, cette vieille pute m’avait empoisonné et condamné à la mort ! Mais les tragédies qui se sont enchaînées ont donné de la force à ma mère. Elle qui n’avait pas quitté sa chambre depuis des mois, elle est venue me dire ce que Margaret avait fait, et je n’y croyais pas, jusqu’à ce qu’elle me propose de retirer ma chemise, et qu’on constate la présente, comme une cicatrice fraîche, du Vévé de Papa Legba tatoué au milieu de mon torse. Il est le plus puissant des Radas, et il protège les frontières, alors il peut également bannir au-delà de celles qui sont siennes. Je ne pouvais plus rester, ou j’allais mourir à petit feu.

Je pensais que le bannissement concernait la maison, et ses alentours. Mais le malaise ne se calma pas, même à mesure que je m’éloignais, il ne devint pas supportable avant que je passe les frontières de la Nouvelle Orléans. Et là, enfin, je recouvrai la santé. Physique, du moins. Mentale… c’est autre chose.

Putain, j’ai essayé de rentrer. Mais c’était une chose de tenir quand j’étais encore dedans ; y retourner après avoir été au-delà des limites qui m’étaient désormais permises, c’en était une autre. C’était physique, tangible presque comme un champ de force : je ne pouvais plus passer. Toute la Nouvelle Orléans m’était interdite. Du jour au lendemain, tout ce que je chérissais, et qui constituait ma vie, m’était inaccessible. Marie m’était inaccessible : je n’ai pas la moindre idée de la façon dont ils prennent soin d’elle, à présent. Évidemment, je n’ai pas moyen de contacter quiconque proche de ma grand-mère. Ma mère ne me répond plus. Je n’ai plus accès à rien. C’est le trou noir. Le gouffre.

J’étais désespéré. Je me suis installé en périphérie de la ville, espérant que les effets se tarissent, ou qu’une solution miracle m’apparaîtrait. J’ai pu contacter des amis qui m’ont amené mes affaires les plus précieuses, qui sont venus me voir et m’ont empêché de devenir fou, même si je n’ai pas pu leur raconter l’entière vérité. Mais les semaines se sont succédées, et je n’ai pas pu mettre un pied au-delà des limites de la ville.

Je me suis adressé aux Guédés. Je leur parlais déjà souvent sur le ton de la conversation, comme un petit vieux qui discute avec le fantôme de sa femme morte depuis des années. Cette fois pour la première fois, je leur ai fait une requête, je leur ai demandé de l’aide : je veux, je dois ramener ma petite sœur. Par n’importe quel moyen. Peu importe, limite, si je n’arrive pas à rentrer chez moi. Si elle va bien, si Marie recouvre ce qu’elle a perdu, on pourra être ensemble, et cette fois je ne laisserai pas les Landry garder la main sur elle. J’ai eu la réponse d’une voix grave, profonde, à mon oreille, deux mots : Eagle Lake.

Ça ne sortait pas de nulle part : je connaissais cette ville, j’y avais même déjà été, de nombreuses années plus tôt. Il y a un coven là-bas, des sorcières et sorciers avec lesquels ma grand-mère était en relation, et quand j’étais tout gamin, quand il fallait encore s’occuper de moi, elle m’a emmené lors d’un de ces voyages. Il y avait même mon père et ma mère. Je m’en souviens à peine, j’étais tout petit, mais j’ai à peine quitté la Nouvelle Orléans de ma vie, alors c’est ça qui m’a marqué : le dépaysement, le passage à la grisaille, la brume, le froid, et les étranges créatures. Et c’est ce dans quoi je suis retourné. Je n’avais pas vraiment d’autres options. J’ai rassemblé mes quelques affaires, et je suis parti vers le Maine.

C’est comme ça que je me suis retrouvé ici, dans un appartement miteux, dans une rue sombre d’Eagle Lake. Je ne sais même pas exactement ce que j’y fous. Il fait gris, il fait froid, et toutes ces histoires politiques qui vont dans tous les sens j’y pige que dalle. J’ignore si les Guédés m’ont suggéré ce lieu pour les covens de sorciers qui s’y trouvent : est-ce que je dois leur demander leur aide ? Je fouine les informations où je peux, mais est-ce que je cherche des informations, ou des alliés ? Ou est-ce qu’il y a quelque chose, ici, qui me permettra d’accomplir ce que je suis venu faire ? Je suis paumé. Pour la première fois de ma vie, j’ai un but, une mission, et… absolument aucune idée de comment l’accomplir.

Ça va être bien.

Doobidolo
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hâte de vous rencontrer hihi

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Victoria M. Sherry
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Re: LUCI LANDRY – don't feat the reaper

Validé.e !





Félicitations ! Tu voilà désormais parmi nous !

Pour mieux tracer ton premier chemin au sein du forum et te recenser un peu partout, nous te recommandons un passage sur les topics suivant :

- Le bottin des avatars
- Le bottin des métiers
- La gestion du personnage
- La boutique des désillusions

Et si cela n'est pas déjà fait, n'hésite pas à nous rejoindre sur notre discord !

Et z'est bartiiiii !
Amuse-toi bien sur TOB  LUCI LANDRY – don't feat the reaper 3218672308


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